Déclaration gouvernementale
Le Conseil des Ministres a approuvé la déclaration gouvernementale que le Premier Ministre a ensuite prononcée devant la Chambre des Représentants et le Sénat.
Le Conseil des Ministres a approuvé la déclaration gouvernementale que le Premier Ministre a ensuite prononcée devant la Chambre des Représentants et le Sénat.
Les électeurs ont clairement exprimé leur volonté le 18 mai dernier. Ce jour-là, ils ont attribué aux libéraux, aux socialistes et à Spirit près de deux tiers des sièges. Les électeurs se sont clairement exprimés en faveur d'un Gouvernement violet. Aujourd'hui, moins de deux mois plus tard, je viens vous présenter ce projet. Le Gouvernement violet se refuse à subir passivement les effets de la conjoncture. Les temps sont difficiles. Personne ne le contestera. Pour la troisième année consécutive, la croissance économique est faible, dans toute l'Europe occidentale. La relance promise, et déjà annoncée à deux reprises par toutes les institutions internationales, se fait attendre. Pour la première fois en septante ans, le spectre de la déflation refait surface. Confronté à de telles conditions difficiles, un gouvernement a deux possibilités. Il peut opter pour l'immobilisme et se retrancher derrière l'impuissance budgétaire. Ou il peut se mettre à l'ouvrage, réformer, changer, prendre des initiatives et prévoir des actions qui provoquent la relance ou en tous cas l'encouragent. Ce Gouvernement opte résolument pour la seconde voie. Il entend gouverner de manière combative, engagée et réaliste. Si nous ne pouvons maîtriser la conjoncture internationale, nous disposons toutefois d'une marge pour en atténuer ou en renforcer les effets. Les périodes difficiles doivent être utilisées comme un levier, comme un tremplin. Pour donner du souffle et rassurer. Une conjoncture défavorable n'est pas une fatalité, mais au contraire un défi. Le Gouvernement entend relever ce défi. Un défi qui ne réclame pas tant des luttes ou de l'imagination mais bien du courage, le courage de surmonter et de conjurer les oppositions vieilles et stériles, des oppositions qui entravent notre pays depuis de trop nombreuses années, des oppositions qui empêchent la Belgique de s'engager définitivement dans la voie du renouveau. Nous vous présentons aujourd'hui un accord englobant nombre de réformes et de changements qui demeurèrent trop longtemps tabous. Le précédent gouvernement avait déjà su triompher de quelques vieilles oppositions. Par exemple sur les questions éthiques, dans le cadre de notre politique étrangère mais également en matière socio-économique, avec la création du Fonds de Vieillissement et l'instauration du maximum à facturer. Avec cette coalition violette, nous franchissons une étape supplémentaire. Avec cet accord, libéraux et socialistes brisent nombre de tabous, de préjugés tenaces qui constituaient autant d'obstacles pour le développement social de notre pays. Les points forts des deux familles ont été reforgés en un programme socio-économique progressiste; un programme porteur de nouvelles solutions pour des problèmes qui durent depuis trop longtemps. Je ne nierai pas que c'est précisément la conjoncture médiocre, le manque de moyens financiers importants qui nous ont imposé ce choix. Quoi qu'il en soit, on ne forme pas de bons gouvernements en se coupant mutuellement l'herbe sous le pied. Mais bien en renforçant les visions respectives et en mettant sur les rails une approche commune. J'aimerais présenter trois exemples édifiants pour illustrer cette nouvelle approche. La lutte contre le chômage. Du côté libéral, le chômeur était facilement considéré comme un profiteur qui ne méritait que des contrôles sévères. Du côté socialiste, on estimait que tous les chômeurs cherchaient activement de l'emploi et qu'il n'y avait aucun abus. Nous mettons aujourd'hui un terme à cette caricature. Les demandeurs d'emploi de longue durée méritent avant tout d'être aidés de manière intensive pour retrouver un emploi. Ils doivent surtout être aidés lorsque la recherche d'un emploi se révèle difficile. Mais inversement, on ne peut dès lors plus accepter que de l'argent soit gaspillé pour des personnes dont il s'avère clairement qu'elles n'ont absolument aucune envie de chercher un emploi. Un nouveau système sera introduit. Le contrôle de pointage devenu obsolète est supprimé. Le fameux article 80 est suspendu temporairement. Il est remplacé dès le début par un accompagnement individuel du chômeur, l'élaboration d'un parcours adapté pour décrocher un emploi, un parcours qui devra être scrupuleusement suivi si le chômeur souhaite conserver son droit à une allocation. Un statut à part entière pour l'entreprise indépendante. Voilà mon deuxième exemple illustrant la nouvelle approche du Gouvernement violet. Pendant de nombreuses années, les uns considéraient que les indépendants n'avaient qu'à puiser dans leurs fonds propres pour compléter leur sécurité sociale. D'autres estimaient que les indépendants devaient bénéficier d'un statut équivalent à celui des travailleurs, mais cela ne pouvait leurs coûter le moindre sou. Dans cet accord de gouvernement, nous marquons aujourd'hui la fin de cette guerre des tranchées. En ce 21ème siècle, chacun a droit à une protection sociale équivalente. Tenir des personnes à l'écart de cette protection n'est plus de notre temps. Les entrepreneurs indépendants constitueront une pension à part entière, ensemble et solidairement. Les "petits risques" au niveau des soins de santé seront intégrés dans l'assurance-maladie, y compris pour les indépendants, et leur assurance "invalidité" et "incapacité de travail" sera renforcée. L'Etat fournira à cet effet une contribution importante. Mais un effort plus grand sera également demandé à ces entrepreneurs indépendants. Car tout a un prix. Le troisième exemple que je souhaiterais citer pour illustrer l'approche du nouveau gouvernement violet se situe dans le domaine qui, pendant des dizaines d'années, fut un parent délaissé en Belgique: l'environnement. Certains croyaient tout régler par un plus grand contrôle de l'Etat ou encore par une multiplication de réglementations tatillonnes ou de nouveaux prélèvements. D'autres considéraient la conscience écologiste comme une mode passagère, une fièvre soudaine dont la société finirait bien par guérir d'elle-même. Le Gouvernement violet rompt avec ces simplismes. Pour la première fois, un accord de gouvernement développe une vision globale des principaux défis environnementaux actuels: la mobilité, la biodiversité et bien évidemment Kyoto. Voilà l'essence de notre démarche. Faire fusionner le meilleur des libéraux et des socialistes. Rassembler les points forts de chaque approche. Pour ouvrir la voie à de nouvelles solutions pour l'avenir et contrer ainsi à court terme la conjoncture médiocre. C'est fort de cet état d'esprit que nous avons rédigé cet accord de gouvernement. Permettez-moi d'en souligner les principaux accents. Il m'est toutefois impossible d'être exhaustif dans cet exercice. Citer septante pages serait irréalisable. L'emploi, deux-cent mille nouveaux emplois, au total 4.400.000 emplois. Voilà le point central de cet accord. J'entends déjà certains grommeler: ils n'y parviendront jamais. Je leur réponds: ne commençons pas à geindre mais au contraire, mettons tout en Suvre pour atteindre cet objectif. Celui qui ne se fixe pas un objectif clair et défini ne peut pas engranger de résultat. Et celui qui n'a pas d'ambition reste sur place. Créer de nouveaux emplois constitue en tous cas une nécessité impérative. Un emploi constitue la meilleure protection sociale dans une société. Les emplois sont la source de toute prospérité. La création de nouveaux emplois est également nécessaire pour parer les coûts liés au vieillissement. Nous ne pouvons cependant créer des emplois supplémentaires seuls. La politique ne crée pas d'emplois mais bien les entreprises, les entrepreneurs indépendants. C'est la raison pour laquelle nous entendons dégager au mois de septembre, avec les partenaires sociaux, un ensemble d'accords concernant une approche nouvelle et audacieuse. Le Gouvernement entend dans ce cadre mettre sur la table une série de nouvelles initiatives. Il y a tout d'abord le "bonus crédit d'emploi", un nouvel instrument de lutte contre les pièges à l'emploi. Il s'agit d'un complément qui s'ajoute aux salaires des personnes peu qualifiées et qui s'élèvera au total à 700 millions d'euros par an; il permettra aux personnes peu qualifiées de gagner en net plus que les chômeurs. S'agissant de la diminution des charges sociales des entreprises, nous mettons à nouveau sur la table 800 millions d'euros, soit 32 milliards d'ancien francs belges, pour lesquels nous demandons la réalisation d'efforts en matière d'emploi et de formation. Avec la diminution d'impôts, cela signifie que d'ici la fin de la législature, nous injecterons sur base annuelle plus de quatre milliards d'euros dans l'économie. Nous allons également proposer une réforme radicale des "chèques services" en vue de créer des milliers de nouveaux emplois dits "de proximité". Nous définirons également nombre de mesures afin d'aider les jeunes à décrocher plus rapidement un emploi et de garder les travailleurs plus âgés plus longtemps. Nous entendons à terme permettre "l'épargne-temps" - une idée radicale voire révolutionnaire - dans la recherche d'une meilleure conciliation entre les activités professionnelles et la vie de famille. Enfin, comme indiqué, nous réformerons l'accompagnement des chômeurs. Somme toute, c'est un programme ambitieux que nous soumettrons à la conférence pour l'emploi. Un programme crucial pour l'avenir de notre pays. Celui qui voudrait freiner la réalisation de ce programme portera quoi qu'il advienne une lourde responsabilité. On ne crée bien évidemment pas de l'emploi uniquement en dégageant des accords dans le cadre d'une conférence. De nouvelles impulsions économiques sont également nécessaires. Nous instaurons ainsi le crédit gratuit pour les nouvelles entreprises. Nous encourageons le retour et l'investissement de l'épargne dans notre économie. Nous réduisons considérablement la paperasserie administrative pour les commerces et les entreprises. Nous voulons rendre les emplois de connaissances plus intéressants en proposant à la conférence un plafonnement de tout ou partie des cotisations patronales. Et nous accordons un ballon d'oxygène financier à la SNCB, à la Poste ainsi qu'à d'autres entreprises publiques. En ces temps difficiles, nos citoyens aspirent également à la sécurité dans nombre d'autres domaines. Ils veulent que nous soyons garants de soins de santé de haute qualité. Que nous luttions pour plus de sécurité. Que nous les assurions contre la pauvreté et la précarité. La nouvelle coalition entend intégrer ces préoccupations. Les défis sont grands au niveau de la sécurité sociale et des soins de santé. Le vieillissement entraîne des coûts croissants. Des efforts seront à nouveau consentis pour les allocations les plus modestes, entre autres par une liaison au bien-être pour certains d'entre eux. Et même en ces temps budgétaires difficiles, le Gouvernement admet une croissance réelle annuelle de 4.5 pour-cent au niveau de l'assurance-maladie. Tous nos concitoyens pourront ainsi continuer à bénéficier des progrès médicaux. Et nous assurons le maintien d'un des meilleurs systèmes de soins de santé dans le monde. L'augmentation des coûts nous impose toutefois une gestion plus rigoureuse. Et le Gouvernement ne fuit pas davantage cette difficulté. L'accord contient pas moins de quatorze mesures concrètes qui visent toutes la maîtrise des coûts. Nous réalisons ainsi précisément ce que les gens nous demandent. La santé est essentielle et exige par conséquent des moyens substantiels. Mais la santé est également trop importante pour qu'on tolère les gaspillages. En se basant sur la politique menée par la précédente coalition, le nouveau gouvernement combattra la criminalité et oeuvrera en faveur d'une meilleure justice. Les victimes seront mieux prises en compte. Un plan détaillé de lutte contre l'arriéré judiciaire et de modernisation - le Plan Themis - sera mis en Suvre. L'accès à la justice sera élargi. Le droit de la jeunesse sera réformé. La loi "Lejeune" sera adaptée. Une solution structurelle pour Bruxelles sera trouvée. La présence policière dans les rues sera renforcée. Et nous envisageons un train de mesures concrètes pour s'attaquer au problème de la surpopulation carcérale. Durant les quatre prochaines années, le Gouvernement accordera beaucoup d'attention aux problèmes de société dans notre pays. Nous voulons soutenir un climat d'ouverture et de respect réciproques pour les relations interculturelles. Le racisme et l'antisémitisme ainsi que la discrimination à l'embauche vis-à-vis d'immigrés seront systématiquement combattus et le droit des familles sera adapté aux évolutions modernes. J'ai déjà indiqué il y a quelques instants qu'il m'était impossible d'être exhaustif. Je souhaiterais toutefois m'attarder encore sur trois éléments essentiels pour la réussite du projet violet: le cadre financier et budgétaire, le dialogue communautaire et la dimension internationale de notre politique, qui a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines. Tout d'abord le cadre financier et budgétaire pour les quatre prochaines années. Lorsqu'on négocie pendant six semaines, la tentation de résoudre tous les problèmes avec plus d'argent se manifeste spontanément. Nous avons pu la résister. Nous continuons à opter pour un équilibre budgétaire et pour un surplus budgétaire au terme de la législature. Nous observons une prudence budgétaire sans toutefois étouffer notre économie ni faire écoper les plus faibles. Ce Gouvernement ne pratiquera pas la pénitence budgétaire, mais chacun pourra juger de son action à l'aune de sa gestion économe. Vient ensuite le communautaire. Comme le veut la tradition, les commentaires publiés dans la presse regorgent de gifles, de défaites, d'humiliations. Par contre, le gouvernement opte à nouveau pour une approche réaliste. Nous optons pour le dialogue entre les Communautés, où l'on négocie de manière rationnelle et adulte et dans le refus de la provocation, de l'humiliation. Cette approche positive nous a par le passé permis d'aller loin. Il n'en sera pas autrement cette fois-ci. Enfin la position internationale de notre pays qui, durant ces dernières semaines, m'a occupé tout comme vous. Le nouveau Gouvernement a aussitôt pris ses responsabilités. Il dispose d'un projet basé sur la législation appliquée dans nos pays voisins et qui empêche toute utilisation abusive de notre système juridique, sans en affecter l'essence. Permettez-moi de vous demander de traiter ce projet rapidement. Cela ne signifie toutefois aucunement que le Gouvernement souhaite revenir à une politique étrangère marquée à nouveau par un manque de relief. Nous continuons à mener une politique qui prend des risques, qui est engagée et inspirée par des convictions éthiques, qui ne reste pas indifférente aux tragédies humanitaires de par le monde et qui en tous temps essaie d'obtenir le meilleur pour l'Europe et le Tiers-monde. Voilà pour ce qu'il en est des lignes de force de notre projet. Je fais confiance à l'opposition pour dresser dès demain des listes des points sur lesquels nous ne sommes pas d'accord. Expurgées des exagérations habituelles, ces listes seront même en partie exactes. Elles ne seront toutefois jamais aussi impressionnantes que la liste des points sur lesquels les quatre partenaires et les cinq partis, le PS, le MR, le SPa, Spirit et le VLD ont dégagé un accord. Et elles n'ôteront certainement rien au fait que les deux plus grandes familles politiques de ce pays ont sur nombre de points réalisés une percée remarquable. La nouvelle coalition entend faire en sorte que la Belgique demeure un pays où il fait bon vivre. Cela nécessite un gouvernement et une politique qui ne cèdent pas au pessimisme mais pratiquent le réalisme. Qui refusent la résignation et lui préfère la combativité. Qui rejettent l'apathie au profit de l'engagement. Cette nouvelle équipe, qui regroupe des personnalités plus jeunes et d'autres plus expérimentées, est fermement déterminée à refuser la passivité. Depuis cette tribune - et sur la base de l'accord de gouvernement - je lance dès lors un appel à toutes les personnes dans ce pays, et aux chefs d'entreprise en particulier, pour qu'ils s'impliquent également. Ne vous enfermez pas dans le fatalisme. Ne laissez pas le pessimisme vous paralyser. Vous pouvez également forcer un meilleur avenir. La confiance ne tombe pas du ciel. Elle se crée. Ce Gouvernement croit dans l'avenir. Ce Gouvernement investira dans l'avenir. C'est notre engagement. Et c'est pourquoi nous vous demandons votre confiance, votre assentiment et votre collaboration.