XXXVIème Réunion Consultative du Traité Antarctique : quel bilan pour la Belgique ?
Du 20 au 29 mai, la Belgique, un des 12 pays fondateurs du Traité Antarctique, a accueilli la 36ème Réunion Consultative du Traité sur l’Antarctique (RTCA) ainsi que la 16ème réunion du Comité sur la Protection de l’Environnement (CPE). Organisée par les départements fédéraux des Affaires étrangères, de la Politique scientifique et de l’Environnement, la réunion a bénéficié des prestigieuses installations du Palais d’Egmont. 450 délégués, officiels, scientifiques de renom et observateurs internationaux, originaires des 50 Etats participant au Traité, ont contribué activement aux débats, présidés par M. l’Ambassadeur Otte.
Quel est le but de cette réunion ? Préserver le caractère unique de l’Antarctique comme réserve naturelle dédiée à la paix et à la recherche. Quels en sont les objectifs ? Proposer des réponses aux défis croissants et aux risques émergents qui menacent le « Continent blanc », à savoir le changement climatique, les menaces envers la biodiversité terrestre et marine et les activités humaines en plein développement comme la bioprospection et le tourisme. Quels sont les moyens utilisés ? L’échange d’informations mais aussi la consultation, la négociation et la formulation de Mesures, Décisions et Résolutions (pour les Parties consultatives uniquement).
La Belgique se réjouit que ce soit à Bruxelles que la candidature de la République tchèque au statut de Partie consultative ait été acceptée par les 28 autres pays bénéficiant de ce statut. Ainsi la République tchèque pourra siéger « à part entière » lors de la 37ème réunion accueillie par le Brésil dans sa capitale, en mai 2014.
La Science a bien entendu été au cœur des discussions. Les Parties ont souligné son rôle stratégique dans l’étude du changement climatique et des autres menaces pour l’Environnement, la nécessité d’une base scientifique solide pour les décisions et mesures prises en application du Traité ainsi que l’importance du renforcement des capacités scientifiques au service de la Recherche en Antarctique.
Plusieurs parties ont rappelé l’importance de la coopération internationale, clé de voûte du Traité. Cette coopération a été omniprésente dans les discours des Ministres belges (Didier Reynders, Melchior Wathelet et Philippe Courard) et de leurs invités de marque, SAR le Prince Albert II de Monaco et Michel Rocard. Vous trouverez leurs discours sur : http://atcm36.antarctica.belgium.be/communique_en.stm.
La Belgique a présenté plusieurs documents de travail au cours de la réunion. Ainsi, le Plan pluriannuel, poussé par la Belgique et l’Australie a pu être développé après 3 jours de négociations constructives ; celui concernant la bioprospection a été adopté après vive discussion. Les autres initiatives belges, comme celles concernant les aires marines et terrestres protégées et les portails sur la biodiversité pour les chercheurs et décideurs, nécessiteront cependant des efforts complémentaires lors de la prochaine réunion au Brésil.
Enfin, la Station Princesse Elisabeth a reçu des rapports d’inspection positifs de la part des deux duos de nations (USA-Russie et Allemagne-Afrique du Sud) qui l’ont contrôlée sous tous les aspects de respect de l’environnement, de la sécurité et de son programme scientifique.
« La Belgique n’avait plus accueilli une telle réunion depuis près de trente ans » rappellent les Ministres Reynders (Affaires étrangères), Wathelet (Environnement) et Courard (Politique Scientifique). « Nous tenons à souligner la qualité de l’organisation et des échanges qui ont eu lieu. La Belgique a fait honneur à ses statuts de pays hôte et de membre fondateur du Traité en faisant preuve d’une vraie force de propositions, dans des domaines aussi variés que la bioprospection, l’échange de données scientifiques, les aires terrestres inviolées ou encore la nécessité d’avoir une vision et une prévision d’actions à moyen terme. Des avancées concrètes ont ainsi pu être dégagées, comme l’établissement d’un plan stratégique pluriannuel. La Belgique s’est en outre profilée comme une ardente défenderesse de la coopération internationale, sans laquelle les objectifs fondamentaux du Traité ne peuvent être atteints. L’histoire belge en Antarctique est donc encore et toujours en marche ! ».
La Belgique se félicite d’avoir organisé cette réunion de manière responsable et environnementale. En effet, le service de catering n’a offert que des produits locaux, de saison et issus de l’agriculture biologique. Des gourdes ont été distribuées aux participants qui ont pu se servir aux nombreuses fontaines d’eau fraîche. Tous les documents ont été fournis en ligne et sur stick USB intégré aux badges des participants, réduisant fortement la consommation en papier (entièrement recyclé !).
Les résultats de la XXXVIème Réunion Consultative du Traité Antarctique
- Le Plan stratégique pluriannuel : sous la coprésidence de l'Australie et de la Belgique, les Parties ont décidé, pour la première fois, d’adopter un plan stratégique pluriannuel élaboré. Il définit les priorités et les actions spécifiques de la Réunion Consultative du Traité sur l’Antarctique pour les 3 à 5 prochaines années. Ce plan doit permettre aux parties, aux experts et aux observateurs de mieux coordonner leurs travaux. Les domaines stratégiques suivants ont été retenus: 1) L’assurance d’un système du Traité Antarctique solide et efficace, 2) le renforcement de la protection de l'environnement en Antarctique, 3) une gestion et une réglementation des activités humaines qui soient efficaces.
- Aires marines protégées : la réunion a examiné le document de travail introduit par la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas visant à soutenir la désignation de nouvelles aires marines protégées dans l’Océan austral par la Commission en charge de la Conservation des Ressources Marines vivantes en Antarctique (CCAMLR). Faute de consensus, la résolution soumise au CPE n’a pu être adoptée. Or, conformément aux engagements internationaux, un réseau représentatif de zones marines protégées aurait déjà dû être établi en 2012. Dès lors, la pression s’accentue pour les négociateurs qui se réuniront en juillet prochain à Bremerhaven en Allemagne afin de désigner deux nouvelles aires, en Mer de Ross et dans l’Est de l’Antarctique. La Belgique a organisé, en marge de la réunion, un évènement intitulé « Blanc et Bleu » afin de mettre en évidence les fortes interactions entre le continent et l’océan qui l’entoure, symbolisées par les manchots qui passent sans cesse de l’un à l’autre.
- Bioprospection : la Belgique conjointement avec les Pays-Bas et la Suède a introduit un document de travail et un projet de résolution à ce sujet. Par « bioprospection », on entend le prélèvement d’échantillons de matériel biologique spécifique à l’écosystème antarctique, afin de collecter des données et de développer des produits dérivés dans des domaines industriels et biotechnologiques variés (agro-alimentaire, pharmaceutique, etc.). Les retombées économiques de ce type d’activités sont encore mal connues. Il est donc difficile, à ce stade, de prévoir leur expansion globale à court et à moyen termes. Toutefois, si ces activités présentent une réelle opportunité scientifique et économique, elles constituent également une menace potentielle pour l’environnement fragile de l’Antarctique. Afin de s’inscrire dans l’esprit du Traité, il convient de s’assurer que le libre échange des résultats des recherches ne soit pas entravé et que l’on puisse discuter des conditions relatives à l’accès des firmes privées aux ressources biologiques et génétiques de l’Antarctique. Le projet de résolution présenté par la Belgique a finalement été approuvé à notre grande satisfaction.
- Les inspections de la Station Princesse Elisabeth : l’accès permanent aux Stations de recherche pour des inspections à l’improviste est un élément-clé du Traité. Ces inspections sont essentielles pour garantir la crédibilité du cadre juridique par un contrôle strict de son application sur le terrain. Elles permettent aussi d’échanger des bonnes pratiques en matière de gestion économe de l’énergie, de réduction des déchets et des émissions ainsi que d’évaluer la pertinence et la qualité de la recherche scientifique effectuée. Deux inspections conjointes (Russie/USA et Allemagne/Afrique du Sud) ont eu lieu à la Station Princesse Elisabeth. Celle-ci, gérée par le Secrétariat Polaire Belge de la Politique Scientifique Fédérale, a été citée en modèle pour la qualité de ses installations et de sa gestion environnementale tandis que la pertinence de son programme de recherche a été confirmée.
- Les aires terrestres inviolées : la Belgique a introduit un document de travail sur l’empreinte humaine et la conservation à long terme d’habitats microbiens terrestres, préparé avec l’Afrique du Sud, le Royaume-Uni et le Scientific Committee on Antarctic Research (SCAR). Le texte insiste sur le fait que les nouvelles connaissances sur la biodiversité des microorganismes terrestres témoignent du besoin urgent de protéger ces derniers de la présence humaine et de désigner des zones de références inviolées pour garantir les recherches futures. Plusieurs délégations ont soutenu la résolution. D’autres ont estimé trop difficile de contrôler les transports de microorganismes ou de définir les zones non encore impactées. Faute de consensus, la résolution n’a pu être adoptée mais la Belgique pilotera un groupe de contact intersessionnel informel avec les Parties intéressées afin de maintenir la question à l’agenda des prochaines réunions du CPE.
- Portail environnement : la Belgique a soutenu le projet de portail environnemental ‘environments.aq’ introduit par la Nouvelle-Zélande. Ce portail veut faciliter le lien entre la science Antarctique et le Comité de Protection de l’Environnement (CPE) par la fourniture d’informations indépendantes et vérifiées sur les thèmes prioritaires. Plusieurs Parties ainsi que les ONG, se sont réjouies de la présentation de l’outil déjà développé. D’autres se sont inquiétées de la neutralité des informations diffusées et du financement à long terme du projet.
- Biodiversity.aq : la Belgique a présenté le portail ‘Biodiversity.aq’, une initiative conjointe avec le Scientific Committee on Antarctic Research (SCAR) et largement financée par BELSPO. Il s’agit d’un portail dans lequel les scientifiques publient les résultats de leurs recherches en biodiversité terrestre et marine de manière à ce qu’ils soient mis à la disposition de tous. Cette initiative s’inscrit parfaitement dans l'esprit du Traité puisqu’elle vise l’échange et la mise à disposition gratuite des observations et résultats scientifiques de l'Antarctique. Le Comité a reconnu la grande valeur de cette initiative. Forts de cette reconnaissance, BELSPO et la plate-forme Belge de la biodiversité se sont engagés à chercher les moyens pour renforcer et développer ce portail.
- Information et sensibilisation : la Belgique soutient l’importance des activités d’éducation et de dissémination des connaissances concernant l’Antarctique et la recherche qui y est menée, et avait préparé un document décrivant les initiatives belges (2009-2012). Avec le Brésil et le Portugal, elle a obtenu que ce point soit ajouté à l’agenda du CPE. Ces activités sont aussi devenues une priorité dans le plan stratégique à 5 ans. L’Expo-Sciences «Accueillons les pôles à Bruxelles !», organisée par l’association des jeunes chercheurs polaires (APECS), du 25 au 26 mai, au Palais des Académies, a été citée en exemple.
- Changement climatique : des scientifiques belges ont contribué à la mise à jour du rapport du SCAR « Changements climatiques en Antarctique et Environnement » qui établit que les effets de l'augmentation prévue des gaz à effet de serre au cours du prochain siècle, si elles continuent d'augmenter au rythme actuel, seront remarquables en raison de leur vitesse et en raison de l'amplification polaire du signal de réchauffement de la planète. Les références au changement climatique ont dès lors été nombreuses dans les groupes de travail.
- Recherche et Sauvetage (S&R) ; Tourisme : la Belgique n’a pas proposé de documents de travail dans ces deux domaines mais se réjouit de l’évolution des travaux. Le groupe S&R a encouragé les Parties à développer davantage leur coopération au travers notamment d’exercices en commun. De son côté, le Groupe Tourisme a confirmé la tendance qui est de réserver l’accès de l’Antarctique uniquement à des activités encadrées et surveillées, dans un strict respect de l’environnement.
Personne de contact :
Joëlle Smeets (GSM : 0474 498 441)