Avis n° 74 du 13 novembre 2017 relatif à l’assistance sexuelle aux personnes handicapées
L’avis n° 74 du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique, traite de la problématique de l’Assistance sexuelle des Personnes handicapées qui recouvre une série de questions posées par Mr Ph. Courard, alors Secrétaire d’Etat aux Affaires sociales et aux Personnes Handicapées, dont (résumé de notre chef) :
- est-ce le rôle des pouvoirs publics que de s'emparer de cette question où celle-ci doit-elle rester du seul ressort des individus et des interactions sociales informelles ?
- si le rôle des pouvoirs publics apparaît pertinent, quelle est la définition de l’assistance sexuelle et quel serait le statut de ceux qui la pratiquent ?
- à supposer le principe de l’aide sexuelle accepté, doit-il y avoir une classification des prestations des assistants sexuels par le législateur ? sur la base de quel critère ? - celui du type de handicap – celui du genre ?
- comment éviter les risques de maltraitance et éviter le soupçon de l’Etat « proxénète » ?
L’avis en quelques points
- Le Comité s’est borné à l’expression neutre « vie sexuelle » sans préjuger de la façon dont celle-ci s’articule avec le vie relationnelle et affective.
- Bien qu’en matière de vie sexuelle, un certain parallèle puisse être établi entre la situation vécue par certaines personnes âgées et celle vécue par les personnes handicapées, le Comité a, dans cet avis, limité son analyse à la seule assistance sexuelle des personnes handicapées.
- • Aux frontières du soin, la problématique de l’assistance sexuelle des personnes handicapées a été réfléchie par le Comité comme un des dispositifs permettant – parmi d’autres – d’abolir les discriminations et d’assurer aux personnes handicapées l’exercice de leur sexualité.
C’est l’aboutissement historique d’une réflexion plurielle et contradictoire qui a constaté les limites du modèle médical du handicap et qui a permis de mettre en évidence les inégalités dans l’accès aux droits, inégalités souvent rencontrées dans les situations de handicap.
Toujours singulière, que l’on soit handicapé ou pas, la sexualité est une dimension de la santé telle que définie par l’OMS ; de ce point de vue, il appartient à chaque société de créer pour tous les conditions d’accès à une vie sexuelle épanouie, en réduisant les obstacles manifestes rencontrés par certains groupes de personnes, par exemple à travers des actions d’éducation, de santé publique ou d’aménagement des milieux de vie dans certains cas. Cette approche du Comité, de nature socio-anthropologique, s’est ensuite nourrie d’exemples concrets issus tant de l’étranger (la Suisse principalement) que de Belgique (ADITI) et de nombreux témoignages apportés par les acteurs de terrain.
- Le Comité définit l’assistance sexuelle comme un service de soutien et d’accompagnement pratique à la sexualité, effectué par une personne formée à cet effet, qui joue à l’égard de l’usager le rôle d’un partenaire, éventuellement régulier. Ce service peut répondre adéquatement aux situations spécifiques que rencontrent les personnes handicapées du fait de leurs conditions de vie particulières.
- Ce service est rémunéré de façon forfaitaire et non soumis à une gradation en fonction du type de prestation réalisé. Ce forfait qui couvre le dédommagement des frais, l’engagement personnel et les compétences de l’assistant(e) sexuel(le), a aussi pour fonction de clarifier la nature de service de l’assistance sexuelle et de dégager les partenaires d’obligations et engagements mutuels, notamment affectifs, allant au-delà de ce service.
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Le Comité estime que l’assistance sexuelle, afin de rencontrer les finalités des actions de soutien et d’accompagnement à la vie sexuelle, doit :
- constituer une offre de services rigoureusement encadrés (expertise, travail d’équipe, règlements) ;
- prendre en compte les (inter)dépendances et les relations rapprochées d’aide et de soin (famille et professionnels) qui caractérisent la vie de certaines personnes handicapées ;
- ne pas faire du handicap mental un cas à part, mais veiller, quel que soit le handicap, à prendre en considération les vulnérabilités éventuelles qui en découlent ;
- assurer par un encadrement adéquat la protection et la sécurité des usagers comme celles des prestataires.
- Le Comité estime que l’assistance sexuelle doit constituer une offre de service reconnue par les pouvoirs publics à travers un cadre réglementaire ; ce qui assurerait une homogénéité des services offerts, et l’égalité des usagers au regard de ceux-ci.
- Le Comité ne met pas en cause le statut de la prostitution dans le droit belge mais il estime en revanche que celui-ci n’offre nullement un cadre réglementaire adéquat pour l’assistance sexuelle telle que définie dans le présent avis.
- Le Comité estime que l’assistance sexuelle ne doit pas faire l’objet d’un remboursement par les pouvoirs publics (mutuelles ou autres).
- Si le dispositif d’assistance sexuelle proposé par le Comité pose l’exigence d’une réglementation ad hoc, ce sont surtout les pratiques sociales concrètes et les mentalités qui doivent évoluer constate le Comité. Conscient du tabou que constitue encore souvent la sexualité des personnes handicapées, le Comité incite ainsi les personnes directement concernées, que ce soit en famille ou en institution, à surmonter leurs éventuelles réticences à ce sujet et à en parler.
- • D’une manière générale, le Comité estime que, sous condition de la présence d’un cadre adéquat, l’assistance sexuelle elle-même, par le potentiel d’expérimentation, d’apprentissage et de médiation entre personnes qu’elle représente pour les usagers, peut contribuer à la diminution de leurs vulnérabilités et à augmenter leurs défenses contre l’abus et la violence.
Chacun de ces points est discuté en détail dans l’avis n° 74 disponible sur le site du Comité : www.health.belgium.be/bioeth