Une nouvelle base légale pour mieux lutter contre les "legal highs"
Sur proposition de la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique Laurette Onkelinx, le Conseil des ministres a approuvé un avant-projet de loi permettant de mieux lutter contre la production et la commercialisation des drogues de synthèse "legal highs".
Les drogues « legal highs », un accès aisé et un prix modéré
Depuis une dizaine d'années, de nouvelles substances psychoactives sont apparues sur le marché des stupéfiants. On les appelle « legal highs » car ces nouvelles substances sont fabriquées à partir de produits en vente libre sur le marché et dont le cocktail devient explosif puisque les effets sont identiques à ceux produits par d’autres drogues existantes complètement illégales, elles.
Les legal highs englobent un large éventail de produits, allant des mélanges d’herbes à des drogues de synthèse ou designer drugs et à des party pills ou drogues récréatives, qui sont consommées de diverses manières, fumées, sniffées ou avalées.
Le paradoxe réside dans le fait que beaucoup de ces legal highs trouvent leur origine dans la recherche, principalement pour le développement de médicaments. Les composants actifs de certaines de ces drogues ont en effet été, à l'origine, synthétisés par des chercheurs institutionnels et dont les publications scientifiques ont ensuite été exploitées par des producteurs mal intentionnés.
On perçoit d’emblée l’attrait que peuvent avoir ces substances pour les producteurs et pour les usagers :
- pour les producteurs, le fait que ces drogues soient produite à base se substances légales leur permet d’échapper aux contrôles et de ne pas tomber sous le coup de la législation interdisant les stupéfiants ;
- pour les usagers, ces drogues sont peu chères, facilement accessibles sur internet et de par leur statut « pseudo-légal » leur donnent la fausse impression d’être sans danger…..
Ce n’est évidemment pas le cas : ces nouvelles substances psychoactives sont dangereuses, surtout pour les jeunes et les personnes vulnérables qui souffrent déjà de problèmes psychotiques.
Deux exemples extrêmes pour illustrer cette dangerosité : les fameux "sels de bains" qui seraient à l'origine de la folie cannibale du "zombie de Miami" aux Etats-Unis ou la drogue « krokodil » en Russie, une drogue dévastatrice très addictive qui tient son nom en raison des effets qu’elle cause ; la peau devient verdâtre et s’écaille avant que la gangrène ne se propage...
Une progression rapide de la production et de la consommation
Ces drogues étant facilement accessibles à un moindre coût, elles sont donc et de plus en plus consommées.
En 2011, 4 % des jeunes belges admettent avoir consommé au moins une fois des substances psychotropes, appelées communément « legal highs » là l’occasion d’une fête.
Selon l'Eurobaromètre 2011 de la Commission européenne, 4.8 % des jeunes de 15 à 24 ans ont un jour consommé l'une de ces nouvelles substances psychoactives.
Ces substances s'obtiennent principalement via des amis (73,3%), dans les discothèques (11%) ou dans des magasins spécialisés (17,2%). 7% achètent ces substances sur internet.
Dès qu'une substance est interdite, de nouvelles drogues de synthèse sont créées pour passer entre les mailles des filets juridiques. Le marché des "legal highs" se caractérise donc par la rapidité avec laquelle les producteurs s'efforcent de contourner la réglementation par l'offre incessante de nouvelles alternatives aux substances soumises à contrôle.
Jusqu’en 2008, les chiffres d’apparition sur le marché de ce type de substances était relativement stable, une petite dizaine par an mais depuis 2009, c’est l’envolée : apparition de 24 nouvelles substances en 2009, de 41 en 2010, de 43 en 2011 et de 71 en 2012.
Durant la période 2005-2011, 164 nouvelles substances ont été détectées et signalées dans différents Etat membres européens.
Une nouvelle base légale pour combattre plus rapidement et plus efficacement le phénomène
La rapide progression de ces nouvelles substances psychoactives imposait une réaction tout aussi rapide et adéquate. Il s'est en effet avéré que la législation belge et les systèmes d'enregistrement existants ne permettaient pas d'apporter une réponse à cette problématique en évolution rapide.
En effet, la procédure actuelle visant la mise sous contrôle de ces substances impose une identification et une interdiction individuelle. En d’autres termes, nous devons lister chaque drogue individuellement. Cette procédure n’est évidemment plus du tout adaptée à la réalité et la réactivité du terrain.
Nous avons, dans le cadre de la CIM Drogues (qui pour rappel est composée des 22 ministres directement concernés par la problématique des assuétudes) travaillé à un nouveau projet afin de mieux contrer l’arrivée de ces substances sur notre territoire.
L'avant-projet de loi consiste à incriminer non seulement des substances identifiées individuellement, mais aussi des groupes de substances identifiés par une structure chimique partiellement commune, permettant dès lors d’anticiper les évolutions du marché relatives à l’apparition de nouveaux produits mais aussi de produits dérivés d’une même structure de base.
Ces nouvelles mesures doivent donner un signal fort aux réseaux criminels et organisés de la drogue et permettront tant aux services de police qu’aux cours et tribunaux de poursuivre plus rapidement et plus efficacement les producteurs et les dealers.
L'avant-projet est transmis pour avis au Conseil d'Etat.
Avant-projet de loi modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes