27 Sep 2012 12:39

Discours du Premier ministre Elio Di Rupo à la 67e Assemblée générale des Nations Unies à New York

"Un sursaut des consciences"

Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Monsieur le Secrétaire général,
Chers Collègues,
Tout d’abord, je tiens à saluer la hauteur de vue et la justesse des propos tenus par notre Secrétaire général, que je soutiens pleinement.

Chers Collègues,
Je viens de Belgique, un des 6 pays fondateurs de l’Union européenne, une union multiculturelle de 500 millions d’habitants qui - comme l’a rappelé le Président Obama - vivent en paix après avoir connu d’horribles guerres.

La Belgique est un lieu unique de décisions politiques et de rencontres internationales. Bruxelles est la capitale de l’Europe. Elle abrite également le quartier général de l’OTAN.
Nous sommes naturellement ouverts sur le monde. Je viens de la ville de Mons, qui sera capitale européenne de la culture en 2015. En 2014, la Belgique commémorera avec solennité le centenaire de la Première Guerre Mondiale. Nous le faisons par devoir de mémoire envers les jeunes de plus de 50 pays qui, sur notre territoire, ont défendu les idéaux de paix et de liberté. Anvers accueillera en 2013 les World OutGames, un rassemblement de la tolérance et de la diversité. Et la ville de Liège est candidate pour accueillir l’Exposition internationale en 2017.
Tous ces événements internationaux poursuivent le même objectif : nous rapprocher et nous mobiliser autour de valeurs universelles.

Mes chers Collègues,
Je ne répèterai pas les priorités de l’Union européenne qui vous ont été présentées par le Président Van Rompuy. La Belgique les soutient pleinement.
Permettez-moi d’évoquer, en quelques minutes, les priorités de mon pays.
Tout d’abord, le respect des droits de l’Homme et l’Etat de droit.
La question du respect des vies et des droits humains est fondamentale. Qu’il s’agisse des droits de l’enfant, de ceux de la femme, des droits des réfugiés, de la lutte contre toutes les formes de discrimination, il n’y a qu’un principe qui vaille pour mon pays : l’égalité effective entre tous les êtres humains, quelles que soient leurs conditions ou leurs convictions.
A cet égard, la Belgique propose avec la Slovénie une résolution contre la discrimination raciale. J’espère que vous la soutiendrez.
Nous avons tous, chefs d’Etat et de Gouvernement et Ministres, une responsabilité collective immense. Pour que les femmes deviennent les égales des hommes, au niveau politique, social et économique.
Pour que les petites filles ne soient plus excisées. Pour que les violences contre les femmes soient systématiquement combattues et poursuivies.
Dans mon pays, ce sont 3 femmes qui dirigent les Ministères de la Justice, de l’Intérieur et la police. Dans mon pays, des efforts importants sont mis en œuvre pour combattre plus efficacement les violences conjugales.
Notre législation interdit et punit toute forme de discrimination, que ce soit sur la base du sexe, de la prétendue race, du handicap, de l’âge ou de l’orientation sexuelle. Dans mon pays, le mariage et l’adoption sont ouverts aux personnes de même sexe. Ce sont des motifs de fierté pour la Belgique.
La Belgique, soutenue par plusieurs pays de l’Union européenne, vous invite d’ailleurs à entreprendre, ensemble, des actions résolues dans plusieurs domaines de la vie sociale.
Je pense notamment à la décriminalisation des orientations sexuelles et aux droits des Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres. Je salue, à cet égard, l'initiative de l'UNESCO contre l'homophobie dans les écoles.
Comme d’autres Collègues l’ont dit à cette tribune, je voudrais rappeler que la liberté de culte, c’est-à-dire la liberté de pratiquer une religion ou de n’en pratiquer aucune, est fondamentale.
La Belgique condamne l’islamophobie. Et elle condamne tout aussi fermement la violence qui est dans tous les cas inacceptables. Les êtres humains doivent à la fois être libres de leurs pensées et capables de s’indigner sans jamais pour autant recourir à la violence.
Quant aux missions diplomatiques, elles doivent être inviolables partout dans le monde.
Ce n’est pas en opprimant les êtres humains ou en faisant prévaloir la violence que l’on résout les défis fondamentaux de la prospérité, du bien-être des citoyens et de la paix.
En ce qui concerne l’Etat de droit, la Belgique est particulièrement attachée à son renforcement partout dans le monde.
La raison en est simple. Dans mon pays, nous sommes convaincus que l’Etat de droit est nécessaire au développement et à la prospérité. Il contribue à un monde meilleur. Parce que la finalité de l’Etat de droit, c’est de permettre à chaque personne de vivre, de s’épanouir et d’aimer en toute liberté.
C’est dans cet état d’esprit et dans une approche basée sur le respect mutuel que la Belgique adhère au principe de la responsabilité de protéger les victimes de violences partout dans le monde (responsibility to protect ou R2P).
C’est dans cet état d’esprit également que la Belgique a répondu à la demande de notre Secrétaire général en annonçant 17 engagements au niveau national et international.
L’Etat de droit et la lutte pour le respect des droits de l’Homme nous imposent aussi de renforcer la lutte contre l’impunité. La Belgique poursuivra sa politique de coopération active avec les juridictions pénales internationales.
L’action de la Cour pénale internationale contribue à une l’avènement d’une époque de la responsabilité. Tous les Etats se doivent de coopérer avec la Cour.
La Belgique, avec la Slovénie et les Pays-Bas, appelle les Etats, vous appelle, à améliorer le cadre international de l’entraide judiciaire et de l’extradition.

Rompre le lien entre la gestion des banques et celle des Etat

Mesdames, Messieurs,
Mes Chers Collègues,
La Présidente du Brésil y a fait référence. Les effets de la crise et de la spéculation financière affectent chaque foyer.
Quand le bilan des banques représente 300, 400, 600% du PIB voire plus d’un pays, nous ne pouvons pas nous étonner qu’il existe un lien direct entre la gestion des banques et la santé économique et budgétaire des Etats souverains.
Dans de nombreux pays, des analyses détaillées ont été menées. Des résolutions ont été prises.
Mais force est de constater que cela ne suffit pas.
Et pour cause !
Le monde de la finance vit au rythme de sa propre logique : la maximisation des profits, dans des délais les plus courts possibles.
Ici aux Etats-Unis, le phénomène est mieux connu qu’ailleurs.
Les robots informatiques dominent les bourses. Ils opèrent un million de fois plus vite que les « traders » humains. Ils vendent et achètent des milliers d’actions tous les millionièmes de seconde.
C’est, ensemble, à l’échelle mondiale, que nous devons mettre en place des mécanismes de surveillance du monde financier.
Une surveillance mondiale pour que le monde financier redevienne davantage un soutien à l’économie créatrice d’emplois.
Pour éviter aussi que des gestions hasardeuses ne compromettent la santé économique et budgétaire d’un pays.
Nous y travaillons en Belgique et au sein de la Zone euro. Mais une attitude commune globale s’avère indispensable.
Outre des réformes approfondies du secteur bancaire, osons aussi taxer les transactions financières. Il est grand temps que les moyens ainsi dégagés soient utilisés pour la prospérité de nos populations.

Généraliser une logique de développement économique parcimonieuse de ressources naturelles et d’énergie fossiles de notre monde

Mes chers Collègues,
Notre Assemblée est consacrée notamment au suivi de Rio+20.
Il nous faut rompre avec une logique de développement économique dévoreuse de ressources naturelles et d’énergie.
C’est avec cet objectif que la Belgique participe activement aux travaux de notre Conseil économique et social. Permettez-moi d’insister sur l’utilité d’y associer la société civile notamment via les ONG. L’utilité aussi d’installer une dynamique pour rendre les politiques économique, financière ou de commerce international plus cohérentes avec notre objectif d’un monde plus respectueux de notre environnement.
A cet égard, la Belgique soutient l'initiative Sustainable Energy for all du Secrétaire général.
La Belgique insiste également pour que l’on fasse converger dans un même processus les objectifs du Millénaire et les objectifs du développement durable.

Mes chers Collègues,
J’aimerais encore évoquer quelques situations régionales qui préoccupent particulièrement mon pays.

Grands Lacs

La situation dans l'Est de la République Démocratique du Congo, la recrudescence de la violence ces derniers mois et la rébellion du M23, sont une grande préoccupation pour le Gouvernement belge, en particulier en raison de l'impact grave sur les populations locales.
Les images de massacres, de viols, de recrutement forcé de soldats - y compris d'enfants -, de pillages... Les 400.000 personnes déplacées... Tout cela est totalement insupportable.
La Belgique appelle les pays de la région à intensifier leurs efforts pour mettre fin à la rébellion en cours.
La Belgique plaide également pour la résolution des causes profondes de l'instabilité de cette région des Grands Lacs.
Nous saluons les efforts entrepris ainsi que l'initiative du Secrétaire général d'y consacrer ce jeudi une rencontre à haut niveau. Notre Ministre des Affaires étrangères y participera et nous sommes prêts à contribuer à une solution.
L'intégrité territoriale de la République Démocratique du Congo doit être respectée. Tout soutien extérieur aux mutins doit cesser. Qu’on ne se fasse aucune illusion : ce n’est pas en niant les faits que les faits n’existent pas. Personne n’est dupe de ce qui se produit sur le terrain. La Belgique demande à chaque pays de la région des Grands Lacs de s’engager à respecter la souveraineté du Congo.
La Belgique encourage aussi les autorités congolaises à mettre en œuvre les réformes nécessaires dans l’armée et la police afin de rétablir l'Etat de droit sur l'ensemble du territoire dont l’Est du Congo.
Je plaide pour que la raison l’emporte. La Belgique est prête à travailler à la restauration de la confiance entre les pays de la région pour sortir le plus rapidement possible de cette situation dramatique pour les populations.
La Belgique souhaiterait qu’une relation directe entre le Président du Congo et le Président du Rwanda puisse s’établir et contribue à accélérer une solution.

Syrie

Nous sommes très préoccupés face à la détérioration de la situation sur le terrain et à l’impasse politique en Syrie. Nous sommes scandalisés par l’attitude d’un régime qui tue ses citoyens.
Outre près de 30.000 morts, on compte au moins 250.000 réfugiés dans les pays voisins et bien plus encore de déplacés.
Comment les consciences humaines ne s’accordent-elles pas pour arrêter ce massacre ?
Je le dis avec humilité aux responsables des pays membres du Conseil de Sécurité. Nous ne pouvons pas consciemment laisser la souffrance humaine perdurer.
La Belgique fait confiance et soutient le Représentant spécial conjoint Lakhdar Brahimi. La Belgique espère beaucoup que le travail des pays arabes sera couronné de succès. Nous devons tous souhaiter que la solution soit politique. Une chose est sûre : Bachar El Assad doit partir. Le régime a perdu toute légitimité !
Vu l’urgence et l’hiver qui approche, la Belgique veut que la communauté internationale avance sur le volet humanitaire et vienne en aide aux millions de personnes affectées.
Pour la Belgique, la préoccupation humanitaire est pour l’heure prioritaire.
Le Gouvernement belge soutient financièrement l'aide humanitaire aux réfugiés.
Mon pays demande instamment que l’on trouve des solutions pour permettre aux organisations humanitaires de faire leur travail, en particulier dans les hôpitaux, conformément au droit international humanitaire.
Je pense que tant les autorités chinoises et que les autorités russes peuvent nous rejoindre sur cet objectif.

Conflit israélo-palestinien

Dans la Région, je voudrais aussi mentionner le conflit israélo-palestien. Tout se passe comme si une chape de plomb avait été coulée sur les opinions pour sortir de l’agenda international ce problème majeur.
La Belgique est en faveur de la reprise rapide des négociations en vue de parvenir à une solution fondée sur la coexistence de deux Etats, avec l’Etat d’Israël et un Etat de Palestine indépendant, démocratique, d’un seul tenant et viable, co-existants dans la paix et la sécurité. Nous nous prononçons aussi très clairement contre la poursuite de la colonisation.

Désarmement - Non-prolifération

Les crises qui ébranlent la planète nous fournissent quotidiennement des exemples qui montrent combien il est important pour la communauté internationale de continuer à œuvrer au désarmement et à la non-prolifération des armes de destruction massive.
Nous voyons avec inquiétude de nombreux pays renforcer leurs arsenaux d'armes nucléaires et de missiles tandis que d'autres laissent planer le doute sur leurs intentions.
La Belgique partage pleinement la position exprimée par le Président Obama.
Nous continuerons aussi à coopérer activement aux efforts visant à la conclusion d'un Accord sur le Commerce des Armes aussi large que possible.

Mesdames, Messieurs,
Mes chers Collègues,
Il n’y a pas d’autres voies que le multilatéralisme pour améliorer les conditions de notre planète.
Avec humilité, la Belgique est le 15ème contributeur des Nations Unies. Mon pays participe activement à des opérations de paix des Nations Unies: à la Monusco en République démocratique du Congo, à la FINUL au Liban et je ne cite pas d’autres opérations où nous participons avec l’OTAN notamment.

Mes chers Collègues,
Ayons le courage et la force de nous entendre pour libérer l’humanité des guerres, l’émanciper des fatalités sociales et accompagner son développement.
L’heure est au sursaut de nos consciences!
Démontrons notre capacité d’agir ensemble!
Je vous remercie.