EUTHANASIE – Chiffres des années 2018-2019 - 9e rapport aux Chambres législatives
Le rapport bisannuel de la Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie est disponible sur le site www.commissioneuthanasie.be, rubrique publications. Il concerne les documents d’enregistrement des euthanasies examinés par la Commission entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019.
Généralités
Le nombre de déclarations reçues pendant cette période a été de 2359 en 2018 et 2656 en 2019. La majorité était rédigée en néerlandais, concernait des patients âgés de 60 à 89 ans et un peu plus de femmes. Le plus souvent, l’euthanasie a eu lieu au domicile.
Les affections principales à l’origine des demandes d’euthanasie étaient soit des cancers, soit une combinaison de plusieurs affections (polypathologies) qui n’étaient pas susceptibles de s’améliorer et qui occasionnaient de plus en plus de handicaps sérieux allant jusqu’à une défaillance d’organes. Le décès des patients était généralement attendu à brève échéance. Les patients dont le décès n’était manifestement pas attendu à brève échéance souffraient majoritairement de polypathologies, alors que le décès de patients cancéreux est rarement considéré tel.
Les demandes d’euthanasie sur la base de troubles mentaux et du comportement (les affections psychiatriques comme les troubles de la personnalité et les troubles cognitifs comme les maladies d’Alzheimer sont rassemblés dans ce groupe) restent marginales (2,1 % de l’ensemble des euthanasies). Comme tous les dossiers d’euthanasies, ceux-ci respectent les conditions légales (patient capable ; demande écrite ; situation médicale sans issue ; souffrance constante, inapaisable et insupportable causée par une affection grave et incurable ; demande réfléchie et répétée).
Une euthanasie de mineur non émancipé a été enregistrée en 2019.
La Commission a estimé que toutes les déclarations reçues répondaient aux conditions essentielles de la loi et aucune n’a été transmise au procureur du Roi.
La Commission estime qu'au cours des deux années écoulées, l’application de la loi n’a pas donné lieu à des difficultés majeures ou à des abus qui nécessiteraient des initiatives législatives.
Quelques chiffres importants
Le nombre de déclarations reçues en 2018-2019 a été de 5 015 (2 359 en 2018 et 2 359 en 2019). Entre 2016 et 2018, le nombre d’euthanasies enregistrées est resté assez stable. En revanche, l’année 2019 a été caractérisée par une augmentation de 12,6 %.
La proportion de documents d’enregistrement en français et néerlandais reste stable (77,3 % NL / 22, 7 % FR).
67,4 % des patients étaient âgés de plus de 70 ans et 40,1 % avaient plus de 80 ans. L’euthanasie chez les patients de moins de 40 ans reste très peu fréquente (1,5 %). Ce sont surtout les patients des tranches d’âge 60, 70, 80 ans qui demandent l’euthanasie (76 %). Le groupe de patients le plus important concerne la tranche d’âge entre 80 et 89 ans (28,8 %).
Le nombre d’euthanasies ayant eu lieu au domicile progresse (45,3 %), même si on note un ralentissement en 2019, ainsi que le nombre d’euthanasies pratiquées dans les maisons de repos et maisons de repos et de soins (15,2 %). Ceci correspond au souhait du patient de terminer sa vie chez lui. Celles pratiquées à l’hôpital, après avoir diminué en 2018, ont quelque peu augmenté en 2019 et représentent 37,3 % des euthanasies.
Dans la grande majorité des cas (84,2 %), le médecin estimait que le décès du patient était prévisible à brève échéance.
Pour la majorité des patients, plusieurs types de souffrances tant physiques que psychiques (à ne pas confondre avec les affections psychiatriques) ont été constatés simultanément (80,9 %). Ces souffrances étaient toujours la conséquence d’une ou plusieurs affections graves et incurables.
1 % des euthanasies concernait des patients inconscients ayant fait une déclaration anticipée.
Les affections à l’origine des euthanasies étaient des tumeurs (cancers) (62 %), des polypathologies (17,9 %), des maladies du système nerveux (8,5 %), des maladies de l’appareil circulatoire (3,6 %), des maladies de l’appareil respiratoire (2,8 %), des affections psychiatriques (1,1 %), des maladies du système ostéoarticulaire, des muscles et du tissu conjonctif (1 %) et des troubles cognitifs (1 %). Les autres catégories représentent toutes rassemblées 2,1 % des affections.
- Le groupe de patients oncologiques reste le groupe le plus important de patients qui demandent l’euthanasie. il s’agissait surtout de tumeurs malignes des organes digestifs, des organes respiratoires, du sein et des organes génitaux (féminins et masculins). Ainsi que l’on peut s’y attendre, le décès de presque tous les patients oncologiques était attendu à brève échéance (99 %).
Les raisons pour lesquelles ils ont demandé l’euthanasie sont entre autres des métastases symptomatiques intraitables, l’épuisement des possibilités thérapeutiques ou chances de réussite trop faibles des thérapies restantes, une récidive étendue et intraitable, l’échec des soins palliatifs conventionnels, le dépérissement en phase terminale et/ou la crainte d'une souffrance continue sans perspective d'amélioration.
A côté de la souffrance physique exprimée et intraitable, il est également souvent mentionné une souffrance psychique grave. Il est aussi fréquemment indiqué que les traitements palliatifs conventionnels ne permettaient pas de maîtriser cette souffrance d’une manière acceptable pour la personne concernée. et que le patient préférait l’euthanasie à une sédation palliative.
- Après les affections oncologiques, la raison majeure des demandes d’euthanasie reste les polypathologies. Après avoir doublé en 2017, le nombre de documents d’enregistrement concernant des patients souffrant de polypathologies est resté plus ou moins stable en 2018 et 2019.
Plus de 70 % de ces patients avaient plus de 80 ans. Ils présentaient une combinaison de plusieurs affections graves et incurables et leur décès était, dans la moitié des cas, attendu à brève échéance.
La souffrance des patients atteints de polypathologies est toujours une combinaison de la souffrance provoquée par plusieurs affections chroniques qui évoluent vers un stade final. En l'absence d'une affection grave et incurable, un sentiment de vie accomplie, la fatigue de vivre ou la vieillesse ne sont jamais acceptées par la Commission comme une justification d’euthanasie.
- Malgré une légère augmentation en 2018, les euthanasies sur la base de troubles mentaux et du comportement (affections psychiatriques et troubles cognitifs rassemblés) restent peu nombreuses.Comme tous les dossiers d’euthanasies, ceux-ci respectent les conditions légales (patient capable ; demande écrite ; situation médicale sans issue ; souffrance constante, inapaisable et insupportable causée par une affection grave et incurable ; demande réfléchie et répétée).
- Affections psychiatriques
Au cours des deux dernières années, 57 euthanasies de patients psychiatriques ont été pratiquées, soit une moyenne de 28 par an. Tous les patients présentaient une maladie psychiatrique et un parcours thérapeutique de plusieurs années à l'origine de la demande d'euthanasie. Tous étaient considérés par les médecins déclarants comme ne pouvant plus être traités.
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- Troubles cognitifs
On a vu le nombre de patients mentalement compétents souffrant de troubles d’origine cognitive comme les démences dont fait partie la maladie d’Alzheimer doubler en 2018 et 2019 (48) par rapport à 2016-2017 (24). La démence est une maladie incurable qui affecte aussi bien le contenu de la conscience que le degré de conscience.
Recommandations de la Commission
Comme elle l’avait déjà souligné dans les rapports précédents, la Commission estime qu’en vue de l’application légale correcte de l’euthanasie, tant les citoyens que les médecins et, par extension, l’ensemble des prestataires de soins doivent être informés de façon suffisante. Cela n'est pas encore le cas, malgré diverses initiatives non-gouvernementales. C’est pourquoi il importe que les autorités prennent des initiatives ou qu’elles subventionnent les initiatives de tiers. Les facultés et les hautes écoles en charge de la formation de tous les professionnels de la santé devraient obligatoirement inscrire dans leur cursus une formation concernant les soins en fin de vie (soins palliatifs et problématique de l’euthanasie). La Commission insiste à nouveau sur l’importance d’une brochure informative destinée au public, à l'initiative (subventionnée ou non) de tiers. Cette brochure devrait être axée sur l’application de la loi relative à l’euthanasie, mais également sur l’application de la loi relative aux droits des patients et de la loi relative aux soins palliatifs.
La Commission confirme, comme c’était auparavant le cas, que l’application de la loi n’a pas entraîné de problèmes majeurs ou d’abus qui nécessiteraient des initiatives légales.
Elle insiste cependant sur l’importance de dégager du budget pour son fonctionnement et pour la mise en place d’un document d’enregistrement électronique d’une euthanasie.
Le fonctionnement actuel de la Commission est hypothéqué par une pénurie budgétaire croissante et de plus en plus marquée. Un budget nettement plus important est nécessaire afin de pouvoir traiter le nombre croissant de documents d’enregistrement, le travail statistique toujours plus étendu ainsi que les nombreuses questions posées à la Commission. Il n'est par ailleurs pas raisonnable que les membres de la commission ne soient rémunérés – faiblement- que pour leur présence aux réunions (20 euros par séance), rémunération qui ne tient pas compte du travail préparatoire accompli à domicile ainsi que de la participation à divers groupes de travail. Une large partie du travail effectué par la Commission est donc réalisée sur une base volontaire, contrairement aux Pays-Bas.
Vu le nombre important d’euthanasies, il est urgent de disposer d’un document d’enregistrement électronique pour les médecins déclarants. L'absence d’un tel document pouvant être envoyé via un lien sécurisé au secrétariat de la Commission est la cause principale d’erreurs administratives dans les documents d'enregistrement. Cela permettrait non seulement d’alléger la charge de travail du secrétariat de la Commission mais aussi des membres de la Commission, mais cela faciliterait aussi le traitement électronique des données.
Pour finir, la Commission rappelle que sa mission, telle qu'elle fut conçue à l'époque par le législateur, se limite à contrôler les euthanasies pratiquées et déclarées par les médecins pour s’assurer qu’elles sont conformes à ladite loi, telle que cette dernière est rédigée, et ce, uniquement au travers des documents d’enregistrement qu’elle reçoit. Elle n’a pas légalement de pouvoir d’instruction, de compétence oules moyens budgétaires, pour procéder à quelque autre investigation que ce soit.
La commission n’est naturellement nullement opposée à une évaluation de la loi du 28 mai 2002 et de toutes les décisions de fin de vie, mais il ne lui appartient pas de déterminer la manière dont cette évaluation devrait se dérouler, le contenu et les modalités de celle-ci. Quant à une éventuelle modification de la loi du 28 mai 2002, elle est du ressort du pouvoir législatif.
Contacts presse
FR
- Jacqueline Herremans, avocate, +32 (0)2 738 02 80, +32 (0)475 74 40 92, jacqueline.herremans@llj.be
- Michèle Morret-Rauïs, oncologue, +32(0)475 40 41 22, morret.rauis@gmail.com
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- Wim Distelmans, prof. Médecine palliative VUB, +32 (0)475 67 14 51, Willem.Distelmans@uzbrussel.be
- Luc Proot, chirurgien, +32 (0)50 84 17 77, +32 (0)474 31 75 56, proot.luc@telenet.be