Discours du Premier ministre lors de la cérémonie de restitution de la dépouille de Patrice Emery Lumumba
Discours prononcé par le Premier ministre lors de la cérémonie de restitution de la dépouille de Patrice Emery Lumumba.
Monsieur le Premier ministre de la République démocratique du Congo,
Excellences,
Chers membres de la famille de Son Excellence Monsieur Patrice Emery Lumumba,
et de Messieurs Maurice Mpolo et Joseph Okito,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de vous souhaiter, à toutes et à tous, la bienvenue à cette cérémonie. Une cérémonie de la plus haute importance pour les proches de feu Patrice Emery Lumumba, qui reçoivent aujourd'hui enfin la dépouille de leur père et grand-père.
Une cérémonie de la plus haute importance aussi pour le peuple congolais, qui aujourd'hui enfin prend réception de la dépouille du 1er Premier ministre de son pays.
Enfin, une cérémonie de la plus haute importance pour les relations entre nos deux pays, la République démocratique du Congo et le Royaume de Belgique, et entre nos deux peuples. Deux pays et deux populations qui peuvent, finalement, tourner une page de leur Histoire et entamer un nouveau chapitre.
Enfin : ce mot est sur toutes les lèvres ce matin. Et par enfin nous entendons « trop tard ». En réalité, beaucoup trop tard.
Car, non, il n'est pas normal que la dépouille de l'un des Pères fondateurs de la nation congolaise ait été conservée six décennies durant par les Belges.
Il n'est pas normal que la dépouille de l'un des Pères fondateurs de la nation congolaise ait été conservée durant six décennies dans des circonstances obscures, jamais vraiment élucidées, mais qui à la lumière de ce qui est connu ne font pas notre fierté.
Eindelijk: dat is het woord dat vanochtend op ieders lippen ligt. En met eindelijk bedoelen we "te laat". Veel te laat, eigenlijk.
Want nee, het is niet normaal dat het stoffelijk overschot van een van de grondleggers van de Congolese natie zes decennia lang door Belgen werd bewaard.
Het is niet normaal dat het stoffelijk overschot van een van de grondleggers van de Congolese natie zes decennia lang werd bewaard onder duistere omstandigheden, die nooit echt zijn opgehelderd, maar waar we in het licht van wat nu bekend is, niet trots op zijn.
At last: this word is on everyone's lips this morning. And by at last we mean "too late". In fact, much too late.
Because, no, it is not normal that Belgians held onto the remains of one of the Founding Fathers of the Congolese nation for six decades.
It is not normal that, for six decades, the remains of one of the Founding Fathers of the Congolese nation were kept in obscure circumstances, which were never really elucidated, but which in light of what is known do not make us proud.
La dépouille de Patrice Emery Lumumba n’est entrée en possession des autorités judiciaires de notre pays qu’en 2016. Et il a fallu attendre longtemps avant que cette dépouille ne soit remise à qui de droit : c’est à dire sa famille et son peuple. Pour enfin entamer un ultime voyage vers sa juste destination, Kinshasa, fière capitale de la République démocratique du Congo.
Non, il n'est pas normal qu’en l'an 2000 seulement, près de quarante ans après les terribles événements du 17 janvier 1961, une commission d'enquête parlementaire en Belgique se soit finalement penchée sur les circonstances précises dans lesquelles Patrice Emery Lumumba a été assassiné et sur l'éventuelle implication morale de militaires, fonctionnaires et politiciens belges dans cette affaire.
Ces dernières semaines, nous nous sommes entretenus avec le président de cette commission d'enquête parlementaire. Et j'ai lu, personnellement, les conclusions de cette enquête. Pour le transfert de Patrice Emery Lumumba au Katanga, les autorités congolaises de l'époque ont reçu l’aide de diplomates, de fonctionnaires et de militaires belges. La commission d'enquête parlementaire a donc conclu que le gouvernement belge faisait manifestement peu de cas de l'intégrité physique de Patrice Lumumba et qu'après son assassinat, ce même gouvernement a délibérément répandu des mensonges sur les circonstances de son décès. Plusieurs ministres du gouvernement belge de l'époque portent, en conséquence, une responsabilité morale quant aux circonstances qui ont conduit à ce meurtre. C'est une vérité douloureuse et désagréable. Mais elle doit être dite.
Les ministres, diplomates, fonctionnaires ou militaires belges n'avaient peut-être pas l'intention de faire assassiner Patrice Lumumba, aucune preuve n’a été trouvée pour l’attester. Mais ils auraient dû percevoir que son transfert au Katanga mettrait sa vie en péril. Ils auraient dû prévenir, ils auraient dû refuser toute aide pour le transfert de Patrice Lumumba vers le lieu où il a été exécuté. Ils ont choisi de ne pas voir. Ils ont choisi de ne pas agir.
Un homme a été assassiné pour ses convictions politiques, ses propos, son idéal. Pour le démocrate qui je suis c'est indéfendable, pour le libéral que je suis c’est inacceptable. Et pour l’humain que je suis c’est odieux.
Je tiens aussi à rendre un hommage appuyé aux deux autres personnes exécutées en même temps que Patrice Emery Lumumba : Maurice Mpolo et Joseph Okito.
Cette responsabilité morale du gouvernement belge, nous l’avons reconnue et je la répète à nouveau en ce jour officiel d’adieu de la Belgique à Patrice Emery Lumumba. Je souhaiterais ici, en présence de sa famille, présenter à mon tour les excuses du gouvernement belge pour la manière dont il a pesé )à l’époque sur la décision de mettre fin aux jours du 1er Premier ministre du pays.
Il y a vingt ans, le ministre des Affaires étrangères Louis Michel avait exprimé ses profonds regrets à la famille et au peuple congolais.
Des profonds regrets, le Roi Philippe en a lui aussi formulés, il y a deux ans, dans une lettre adressée au Président congolais Félix Tshisekedi. Et il les a réitérés en personne lors de sa visite officielle au Congo il y a quelques jours. De profonds regrets qui avaient cette fois pour objet, de manière plus globale, les actes de violence et de cruauté commis à l'époque de l'État indépendant du Congo. De profonds regrets pour les souffrances et les humiliations infligées pendant la période coloniale.
Une lettre courageuse et généreuse, comme l'a également reconnu le Président Tshisekedi. Une lettre nécessaire aussi. Car pour envisager notre futur ensemble, nous devons qualifier sans ambiguïté les passages sombres de notre passé commun. Il le faut si nous voulons tourner une page et entamer un nouveau chapitre de notre Histoire. Les jeunes, congolais comme belges, y aspirent.
La période coloniale, comme toute époque de l’Histoire, est soumise à interprétation et réinterprétation. Néanmoins, déjà à l’époque de l’État indépendant du Congo, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les abus et les violences. Ces voix ne se sont plus jamais tues.
Le Roi des Belges s’est exprimé en ces termes il y a quelques jours à Kinshasa devant le peuple congolais : Bien que de nombreux Belges se soient sincèrement investis, aimant profondément le Congo et ses habitants, le régime colonial comme tel était basé sur l’exploitation et la domination.
Ce régime était celui d’une relation inégale, en soi injustifiable, marqué par le paternalisme, les discriminations et le racisme. Il a donné lieu à des exactions et des humiliations.
Bien sûr, tout n'était pas mauvais. Bien sûr, il y a eu de bonnes choses. Bien sûr, de nombreux Belges se sont investis dans les colonies avec de nobles intentions. Mais ils ont, souvent inconsciemment mais parfois aussi sciemment, participé à l'asservissement d'un peuple, à l'occupation d'un pays, à l'exploitation de ressources naturelles et à la spoliation d’œuvres d’art. Il est grand temps, maintenant de remettre enfin la dépouille du premier Premier ministre du Congo à sa famille et à son peuple, d’expliquer clairement ce qu'a été la période coloniale et de restituer ce qui a été dérobé. Je me réjouis donc de l’adoption prochaine par le Parlement d’une loi permettant la restitution du patrimoine culturel, comme le propose ce gouvernement. Et je considérerai avec grand intérêt les conclusions de la commission parlementaire spéciale chargée d'examiner le passé colonial de la Belgique. Je ne veux pas préjuger de ces conclusions aujourd'hui. Mais je les attends avec impatience.
Comme l'esclavage, le modèle colonial était un système pernicieux en soi. Il s’agissait bien d’un modèle et d’un système et il ternit honteusement l’histoire de notre pays. Il nous faudra l’admettre sans ambages ni détour si nous voulons vivre une relation sincère et vraie avec les pays que nous avons occupés. Le Congo, le Rwanda, le Burundi.
Le gouvernement belge dénonce sans équivoque la colonisation en tant que système de gouvernance et d’idéologie, tant au Congo qu’au Burundi, au Rwanda et ailleurs. Ce système a mené à de graves violations des droits humains, des discriminations en tous genres, et une perception des Africains par certains Belges totalement inadéquate.
La perception inappropriée que certains ont développé à l’époque vis-à-vis des Africainsa laissé des traces jusqu’à ce jour, et se manifeste par les actes de racisme qui sont encore observés dans de trop nombreuses circonstances de la vie en Belgique. Je condamne vivement ce racisme. Il est plus que temps d’y mettre un terme définitif. Comme toutes les formes de discrimination, le racisme est non seulement dommageable à celui qui en est l’objet, mais également à celui qui en est l’auteur. Une société inclusive est une société plus riche, où chacun peut contribuer positivement au vivre ensemble et être reconnu pour sa contribution.
La communauté d’origine africaine en Belgique apporte une richesse inégalable à notre pays. Cet apport est parfois bien connu grâce à des secteurs très visibles, comme le sport et la culture, mais notre reconnaissance va également à toutes les Congolaises et Congolais, Africaines et Africains, devenus Belges ou non, qui apportent au quotidien leur pierre à l’édifice dans tellement d’autres domaines, souvent sans bénéficier d’une quelconque visibilité, comme tout autre citoyen dans notre pays. Nous pensons aussi que les Belges actifs en RDC ont cette même approche.
Ces Belges, ces Congolais et ces Congolaises, contribuent toutes et tous à ce lien indéfinissable et si étroit entre nos deux pays. Un lien qui va au-delà de l’amitié, et qui s’inscrit dans une approche à long terme, tournée vers l’avenir. Je me réjouis de cette nouvelle dynamique qui nous permet de nous regarder avec un respect et une franchise renouvelés, au bénéfice commun de nos populations.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs,
Nous commémorons aujourd'hui le terrible assassinat de Patrice Emery Lumumba. Nous nous inclinons devant sa mémoire. Le poids historique de cet homme pour son pays et son continent. Sa contribution majeure à la renaissance panafricaine.
Malgré la solennité de l’événement dont nous honorons aujourd’hui la mémoire, c’est aussi avec un message empreint d’espoir et de confiance en l’avenir que je souhaite clôturer cette cérémonie. Les jeunesses belge et congolaise sont pleines de ressources, de talent, et sont ouvertes aux autres. Elles continueront à porter ce lien qui unit nos deux peuples, dans les moments difficiles comme dans les moments de réjouissance.
Notre engagement pour les années à venir vis-à-vis de la RDC reste guidé par la ferme volonté de soutenir le processus de stabilisation et de démocratisation du pays, et l’attachement profond aux principes demandés par la population congolaise, comme le respect de l’État de droit et des principes démocratiques, l’avancement des droits humains, en particulier des femmes et des enfants, et la bonne gouvernance.
Vandaag herdenken we de gruwelijke moord op Patrice Emery Lumumba. We buigen het hoofd te zijner nagedachtenis. Voor het historische gewicht van deze man voor zijn land en zijn continent. Voor zijn enorme bijdrage aan de pan-Afrikaanse wedergeboorte.
Ondanks het plechtige karakter van het eerbetoon dat we hier vandaag brengen, wil ik deze plechtigheid ook graag afsluiten met een boodschap van hoop en vertrouwen voor de toekomst. De Belgische en Congolese jeugd loopt over van ideeën en talent, staat open voor anderen en zal deze band tussen onze twee volkeren blijven uitdragen, zowel in moeilijke tijden als in momenten van vreugde.
Ons engagement ten aanzien van de DRC in de komende jaren blijft ingegeven door onze vastbeslotenheid om het stabilisatie- en democratiseringsproces van het land te ondersteunen, en door onze sterke verbondenheid met de beginselen die het Congelese volk vraagt, zoals de eerbiediging van de rechtsstaat en de democratische beginselen, de bevordering van de mensenrechten, in het bijzonder die van vrouwen en kinderen, en een goed bestuur.
Today, we commemorate the terrible assassination of Patrice Emery Lumumba. We bow before his memory. The historical weight of this man who meant so much for his country and his continent. His major contribution to the pan-African renaissance.
Despite the solemnity of today’s event, I wish to close this ceremony with a message of hope and confidence in the future. Belgian and Congolese young people are resourceful, talented, and open. They will continue to carry this bond that unites our two peoples, in difficult times as well as in moments of joy.
Our commitment to the DRC for the coming years remains guided by the firm will to support the country's stabilization and democratization process, and a deep attachment to the desires of the Congolese people, such as respect for the rule of law and democratic principles, the advancement of human rights, especially of women and children, and good governance.
Nous posons aujourd’hui un acte de commémoration. Mais ce lundi, nous posons aussi un acte de renouvellement fort, de partenariat, entre Belges et Congolais.
Puisse ce jour nous projeter dans un avenir commun radieux.
Vandaag herdenken we. Maar we stellen ook een daad van sterke vernieuwing, van partnerschap, tussen de Belgen en de Congolezen.
Moge deze dag het begin zijn van een mooie gemeenschappelijke toekomst.
Today is a day of commemoration. But this Monday will also be a day of strong renewal and of partnership, between the Belgian and Congolese people.
May this day project us into a bright common future.